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Fertilité physique Améliorer le potentiel des sols en évitant les tassements

Quand le sol est compacté, sa capacité d’infiltration et de stockage de l’eau est amoindrie, ainsi que sa colonisation par les racines des cultures. Le rendement peut être impacté jusqu’à 30 %. (©Agro Transfert)

D’après les spécialistes du fonctionnement des sols cultivés, la préservation, voire la restauration, de leur fertilité physique est un enjeu majeur pour réduire la dépendance aux intrants, et notamment aux fertilisants chimiques et à l’eau d’irrigation. Les risques de compaction doivent être évités au maximum. (Article publié initialement le 14 avril 2023)

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Cette année encore, le phénomène de sécheresse renforce la tension relative à la question de l’irrigation des cultures. Les usages agricoles sont remis en cause, et le rôle des sols comme premier réservoir pour le stockage de l’eau revient sur le devant de la scène. « Le volume d’un sol bien structuré est formé à 50 % environ de pores occupés par de l’air ou de l’eau », rappelle dès la première page le guide Tassements des sols, prévenir et corriger leurs effets réalisé à l’issue du projet Sol-D’Phy (2012-2018)* et coordonné par Agro-Transfert Ressources et Territoires dans les Hauts-de-France. La compaction des sols correspond à une dégradation de leur porosité ayant pour effet de réduire la capacité d’infiltration et de stockage de l’eau, ainsi que de perturber leur fonctionnement global (aération, activité biologique).

Les Hauts-de-France s’avèrent particulièrement exposés au risque de tassement des sols en raison des récoltes réalisées avec des machines lourdes et souvent en conditions humides pour les cultures traditionnelles de la pomme de terre et de la betterave sucrière. D’où l’émergence dans cette région du projet Sol-D’Phy dont l’enjeu est la préservation, voire la restauration de la qualité physique des sols cultivés, pour une meilleure durabilité des systèmes agricoles. Toutefois, avec l’augmentation générale du dimensionnement des matériels, toutes les régions se retrouvent concernées par la problématique.

Jusqu’à 30 % de perte de rendement

Au-delà de la préoccupation montante autour des ressources en eau accessibles pour les cultures, le tassement des sols se répercute sur les rendements en pénalisant l’enracinement des plantes et donc leur développement (en particulier pour les racines pivot et les tubercules). Dans les suivis du projet Sol-D’Phy, AgroTransfert observe par exemple jusqu’à 15 % de chute de rendement en blé lorsqu’il y a eu dégradation de la structure lors de la récolte du précédent betterave ; jusqu’à 15 % également de perte de rendement commercialisable en pomme de terre dans le cas de zones tassées à l’implantation.

De son côté, Arvalis a mis en évidence, au cours de ses expérimentations, des pertes de rendement systématiques, comprises entre 5 et 30 % selon les cultures. Le tassement des sols résulte de l’application d’une pression supérieure à leur résistance mécanique, exercée via les roues des engins, surtout lors des chantiers de récolte, de transport et d’épandage. Au niveau des machines, les facteurs déterminant le risque de tassement, détaillés dans l’étude Sol-D’Phy, sont : la charge par essieu, la dimension et le gonflage des pneumatiques, et le nombre de passages. Côté sols, les facteurs de risque sont : l’humidité, la texture, le type de porosité et la stabilité structurale.

Priorité à la charge par essieu et à l’humidité du sol

Dans un essai d’octobre 2015 sur sol limoneux humide, le tassement engendré par une arracheuse automotrice à pommes de terre à vide (17 t/essieu) atteint 25 à 30 cm de profondeur, et jusqu’à 40 cm lorsque la trémie est pleine (24 t/essieu). Les résultats de Sol-D’Phy montrent par ailleurs que pour une même charge par essieu (environ 20 t), la profondeur de tassement passe de 25 cm avec 20 % d’humidité en profondeur, à 35 cm avec 22,5 %, et jusqu’à 55 cm avec 37 % d’humidité. Ainsi, la charge par essieu et l’humidité du sol se révèlent être les principaux facteurs du tassement en profondeur, c’est-à-dire sous l’horizon habituellement travaillé.

Concernant le tassement en surface (10, voire 20 premiers centimètres), outre la charge et l’humidité, il est influencé par les pneumatiques et le nombre de passages. Les pneumatiques constituent l’interface répartissant la pression exercée par le poids de l’engin. L’augmentation de cette surface de contact (pneu large, faible gonflage, chenilles) se traduit par une baisse de la pression et donc une diminution du risque de tassement en surface (0-25 cm).

« Pas de moyen mécanique d’intervention »

La résistance mécanique des sols est naturellement meilleure en terrains argileux qu’en terrains limoneux, et peut être améliorée par la teneur en matière organique. Par ailleurs, la porosité résultant du travail du sol est plus sensible au tassement (en particulier si elle est récente) que celle issue de la biologie (galeries de vers de terre, racines) ou de l’alternance humectation/dessiccation. Dans un article de décembre 2019, Pascale Métais, spécialiste de la fertilité physique des sols chez Arvalis, indique que la régénération naturelle des horizons tassés, superficiels ou profonds, est lente. D’où la nécessité de prévenir à tout prix les risques de compaction en prenant en compte les facteurs évoqués ci-dessus.

Pour les chantiers lourds, tous les leviers doivent être mis en œuvre afin d’alléger la charge par essieu. Cette arracheuse à pommes de terre décomposée (traînée et dépourvue de trémie) est plus légère qu’une automotrice. Il faut veiller au poids par essieu et à la pression de gonflage des pneus de la benne. (©Agro Transfert)

Lorsqu’un tassement est suspecté, il faut commencer par observer le sol afin d’évaluer son intensité, avant toute action corrective (plusieurs méthodes complémentaires existent : mini-profil 3D au chargeur télescopique, test bêche, tige pénétrométrique. Les tassements de surface peuvent être corrigés avec un travail superficiel (0-10 cm), voire un labour ou un décompactage (15-20 cm). Pour ceux plus profonds (30-50 cm), « il n’y a pas de moyen mécanique d’intervention, d’après Pascale Métais. Il faut compter uniquement sur l’activité biologique du sol, et cette régénération naturelle demande plusieurs années ». Ces tassements sont donc, dans certains cas, plus difficilement réversibles.

Le décompactage doit rester ponctuel

Certaines cultures peuvent recréer de la porosité grâce à leurs racines, à condition d’être présentes suffisamment longtemps, c’est-à-dire au moins un an. Arvalis et Agro-Transfert recommandent que le décompactage demeure une opération ponctuelle, et qu’il soit suivi de l’implantation d’un couvert végétal pour favoriser une colonisation racinaire de la fissuration obtenue. Ceci afin de maintenir la structure nouvellement créée et d’éviter une reprise en masse hivernale. Les couverts contribuent de plus à accélérer le ressuyage.

Le décompactage doit être réalisé dans des conditions favorables d’humidité du sol, par exemple après un blé ou un colza, et avant un couvert d’interculture. Il doit être évité avant un chantier lourd à venir sur la culture suivante. En l’absence de travail du sol (semis direct), les risques de tassement sont moindres, estime Arvalis. Car la plus grande continuité des horizons améliore la résistance à la compaction. Toutefois, après destruction du couvert associé à cette technique, les résidus favorisent le maintien de l’humidité, avec un risque plus élevé de tassement superficiel. Or un tassement est plus pénalisant dans ce système en raison des possibilités réduites de régénération mécanique.

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